Comme
un enfant !
Lorsque j’étais très
jeune, il y a de cela quelques années, j’habitais au 30 rue St-Nicolas à Québec.
De la fenêtre du corridor du 2è étage, je passais mes journées à regarder les
opérations de chargement des camions de livraison de la Brasserie Dow. Les
camions White, avec leur « cab » bombé, semblaient toujours vouloir se
renverser lorsqu’ils quittaient l’entrepôt remplis de leur cargaison de bière :
l’entrée sur la rue St-Nicolas était sur une pente qui faisait, à mon
observation d’enfant, dangereusement pencher les camions. Non…ce n’était pas
encore l’époque de la caserne numéro 2.
À quelques mètres de
chez-moi, il y avait une « boîte » d’incendie rouge vif. Elle ne m’avait pas
frappé… jusqu’au moment où j’entende un jour, lorsque je regardais encore les
camions de la brasserie, des sirènes qui semblaient provenir de partout. Je me
précipitai à la rue pour voir arriver plein de camions de pompiers, la plupart
blancs, mais d’autres rouges avec de grandes échelles en bois. Les pompiers en
sont débarqués et regardèrent autour d’eux pendant quelques moments : puis ils
sont remontés dans leurs camions qui sont repartis au son de leur grosse cloche
en métal…dong, dong, dong, dong…
Je ne peux expliquer
pourquoi mais je sais que c’est à ce moment que ma vie a changé et que je suis
devenu sans le savoir un véritable « firebuff ».
Comme on peut être naïf
lorsqu’on est enfant ! Je me souviens entre autres un jour, m’être lancé en
courant à la poursuite des pompiers qui passaient sur le Chemin Ste-Foy en
direction ouest près de la rue Cartier : au bout de quinze à vingt minutes,
j’abandonnai, penaud, mes recherches.
L’été, nous demeurions à
la campagne, plus précisément à Armagh dans Bellechasse : probablement que nous
redescendions en ville une fois de temps en temps parce que je me souviens
qu’un soir, mon père et mon oncle m’avaient amené au feu chez Terreau et Racine
sur la rue St-Paul : un bâtiment commercial en briques de six étages, sans
accotement il me semble à l’époque. Et bien, mes amis, le feu sortait par
chaque fenêtre de l’édifice : je regardais figé le spectacle des flammes et des
lances qui s’y attaquaient. Il y en avait partout dans la rue et au sommet des
échelles aériennes qui entouraient le magasin de meubles et
d’électros-ménagers.
Le lendemain, dans le
salon, j’avais recréé la scène avec l’aide d’une grosse boîte en carton et de
mes nombreux camions de pompier miniatures que l’on retrouvait dans les boîtes
de Corn Flakes de Kellogg. J’ai joué bien des heures avant de déclarer
l’intervention terminée!
J’avais huit ans lorsque
nous sommes déménagés à Sillery. Je ne pouvais pas comprendre à l’époque les
différences qui pouvaient caractériser les pompiers de Québec et les pompiers
de la banlieue : pour moi, les pompiers, c’était les pompiers…
Je me souviens qu’un
samedi soir d’hiver très froid , la cabane de la patinoire St-Charles-Garnier,
( bâtiment commercial d’un étage en bois sans accotement d’environ 40 pieds par
20) avait brûlé. J’avais entendu les sirènes et vu les « flash » dans la rue
William directement à l’arrière de chez-nous. Quand je suis arrivé, tout
flambait mais on racontait sur place que Thomassin était rentré à l’intérieur
et avait réussi à sauver la caisse (le Thomassin qui allait plus tard devenir
capitaine à la protection publique de Sillery). En revenant à la maison , je me
rappelle encore m’être fait la réflexion que le vieux GMC qui pompait l’eau à
l’hydrant de la rue William avait l’air bien solitaire : le feu était à
plusieurs centaines de pieds et il n’y avait pas d’opérateur.
J’avais appris, je ne sais
trop comment, que Sillery allait avoir deux nouveaux camions de pompier
flambant neufs ! Comme on peut être naïf quand on est enfant ! Ce fut le début
de centaines de visites à la caserne en bicyclette pour voir si les nouveaux
camions étaient arrivés : j’étais bien loin de me douter alors que la
fabrication de véhicules d’incendie pouvait prendre des mois. Mais quel «
thrill » quand même à chaque fois que j’empruntais l’entrée de gravier
conduisant à la caserne qui était située dans un garage à l’arrière de l’hôtel
de ville.
Et puis un après-midi
après l’école,… ILS ETAIENT LÀ !!! Mes pulsations cardiaques ont du tripler!
Qu’ils étaient beaux ! D’un rouge extraordinaire, une pompe et une échelle je
pensais, étant encore méconnaissant du concept de la pompe-échelle. Ce fut l’un
des plus beaux moments de ma vie : « Sillery Fire Department » était peint en
or sur une porte et « Sillery Département des incendies » sur l’autre. Ce fut
le début, à partir de ce moment, de nombreux autres pèlerinages en bicyclette
pour admirer ces beautés ! (Le 315 est encore aujourd’hui en service de
première ligne)
Je m’en souviens comme si
c’était hier : les pompiers de Québec avaient pris le bateau pour aller au feu
du pensionnat St-Joseph St-Vallier à Lévis. Je le sais parce que j’avais pris
l’autobus de Sillery pour me rendre à la traverse moi aussi pour voir le feu
qui était visible des milles à la ronde (une série de bâtiments de plusieurs
étages en briques accotés les uns aux autres)et la pompe du 5 était sur le
bateau. Au feu, l’abbé Paré m’avait même demandé d’aller lui acheter des
cigarettes! Mais à l’époque j’savais pas que c’était lui!
Ça avait brûlé pendant des
heures et des heures : ce qui était le fun c’est qu’on pouvait tout voir de
près et j’avais passé la journée à faire le tour des bâtisses en feu. Un peu
après souper, je suis rentré à la maison mais non sans avoir assisté tout fier
à la première sortie de la nouvelle échelle de Sillery qui avait traversé le
pont pour venir aider aussi les pompiers de Lévis.
J’ai appris le lendemain
que le feu s’était poursuivi pendant toute la nuit et que l’échelle de Sillery
avait été installée à la jonction de la chapelle et d’une bâtisse : il paraît
qu’il fallait qu’ils fassent attention à l’échelle parce qu’elle était neuve et
je pense qu’ils ont eu quelques problèmes. Mais ce n’était pas grave! Sillery
avait traversé le fleuve pour aller au feu et je n’étais pas peu fier!
C’est grâce au journaliste
Lucien Latulippe du Soleil que je suis devenu beaucoup plus connaissant sur le
Service des incendies de Québec, le Québec Fire Department (eh oui! Une porte
en français, une porte en anglais!). Monsieur Latulippe avait publié une série
d’articles qui s’avéraient être en fait une visite guidée de chacune des
casernes de la Ville : inutile de vous dire que j’avais religieusement lu et
conservé chacune des parutions.
Il y en avait treize comme
dans treize casernes. Allons-y ! La caserne 1 à l’hôtel de ville, la 2 sur la
rue Richelieu, la caserne 3 sur Dorchester, la 5 sur Dalhousie. On continue
avec le poste numéro 6 sur la rue Champlain, le 7 sur la rue Boisseau, le 8 sur
des Oblats, le poste 9 sur St-Amable et le 10 sur la 5è rue. On termine avec la
caserne 11 sur la rue de l’Espinay, la 12 sur Crémazie, la 13 sur Marie Rollet
et la 14 sur de la Canardière ( Il faut ajouter également le poste 15 qui était
« manné » 24 heures sur 24 sur les terrains de l’Expo lors de l’événement
annuel ).
C’était le temps où les
journaux s’intéressaient aux feux et aux pompiers. Dans ces visites de
casernes, M. Latulippe décrivait les véhicules avec leurs spécifications et leur
équipement de même que tout ce qu’on pouvait retrouver dans la caserne. Il nous
donnait même le nombre de longueurs de boyau à chaque poste, c’est dire ! Quant
aux feux d’importance, inutile de vous dire qu’ils se retrouvaient toujours en
première page.
J’ai toujours depuis l’âge
de 13 ans voulu faire de la radio. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas tenté de
devenir pompier : je pense que ce n’était pas assez payant à l’époque. Toujours
est-il que j’ai réalisé mes deux rêves en même temps : je suis devenu reporter
aux faits divers!
C’était en 1974 et ce fut
bien spécial : j’avais postulé un emploi à CJRP et le directeur des programmes
me trouvait bien fatigant parce que j’appelais régulièrement pour savoir s’il
avait écouté mon ruban. Ce qu’on peut être naïf quand on est ado! Donc, il ne
m’a jamais rappelé jusqu’au moment où…
Mon copain Roger Drolet
faisait l’animation de nuit et j’étais avec lui en studio. Un auditeur appelle
pour nous dire qu’un violent incendie venait d’éclater sur la rue de La
Tourelle. Comme il n’y avait pas de journaliste « stand-by », Roger me dit de
me rendre sur les lieux et il me passa en ondes! Le directeur des programmes
m’engagea la semaine suivante : c’est ainsi que débuta une histoire d’amour
avec les pompiers et la radio, histoire qui dure depuis ce printemps-là.
L’autre jour, un ami m’a
demandé si j’étais retombé en enfance parce que mon scanner me suit partout
presque jour et nuit. Je ne suis pas retombé en enfance… mais c’est tout comme
!
La grande ville unifiée
pour les firebuffs représentait un rêve depuis longtemps. Peu de personnes
peuvent comprendre notre émerveillement devant les changements survenus le 1er
janvier 2001. Et je frappe, mes amis, je frappe…
Encore mardi dernier, je
suis sur le boulevard Laurier en direction ouest à cent mètres de Du Vallon. Le
tone et : « 209 et 409, veuillez vous rendre au Pavillon Casault de
l’Université Laval pour un système d’alarme en opération, priorité 1 ». Je ne
crois pas ma chance; je tourne sur Du Vallon me range à droite et attends
tranquillement le son des sirènes. Et puis ceci : « Caserne no 9, ne vous
surprenez pas, avec les indications qu’on a, on complète la 1ère alarme. »
C’est pas possible d’être chanceux comme ça, que je me suis dit. En prime, je
pourrai voir arriver le 205, le 305, le 1105 et le 9102. Ç’aurait été une
demande spéciale que ça n’aurait pas été mieux.
Je ne sais pas si ça vous
excite, mais moi, voir « Québec » à « Ste-Foy » ou « Ste-Foy » à « Québec », ça
me fait capoter!!!
Oui, je suis comme un
enfant ces jours-ci ! Je vous jure qu’il n’y a réellement pas grande différence
avec cette journée sur la rue St-Nicolas où je suis devenu firebuff pour la
vie.
À la prochaine !
Christian
christian.thibault@videotron.ca